Une révision majeure du cadre réglementaire de la gestion collective
La directive AIFM 2 marque une étape décisive dans l’évolution de la réglementation financière européenne. En révisant simultanément les directives AIFM et OPCVM, ce texte transforme les règles applicables aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
Rappel du contexte réglementaire
La directive OPCVM, adoptée initialement en 1985, structure le marché européen des fonds d’investissement destinés au grand public. Ces fonds bénéficient d’un passeport européen permettant leur commercialisation dans l’ensemble de l’Union européenne, sous réserve d’un agrément AMF ou d’une autorité compétente d’un État membre.
La directive AIFM, adoptée en 2011, a quant à elle harmonisé le cadre européen des gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs. Son double objectif était de renforcer la transparence vis-à-vis des autorités de contrôle et de réguler les risques liés à la gestion alternative.
Qui est concerné par la directive AIFM 2 ?
La directive s’applique aux sociétés de gestion de FIA agréées, notamment celles gérant plus de 100 millions d’euros avec effet de levier ou plus de 500 millions d’euros sans effet de levier, ainsi qu’à celles ayant opté volontairement pour l’application intégrale de la directive AIFM. Elle concerne également l’ensemble des sociétés de gestion d’OPCVM agréées.
Les sociétés de gestion gérant des FIA sous les seuils réglementaires seront indirectement impactées via les modifications du droit français lors de la transposition.
Calendrier de mise en œuvre
- Transposition en droit français au plus tard le 16 avril 2026 (entrée en vigueur de la plupart des mesures à cette date).
- Nouveau reporting : application à compter du 16 avril 2027.
- Des règlements d’application viendront préciser progressivement certains points.
Délégation et sous-délégation : un encadrement renforcé
La directive AIFM 2 précise explicitement les fonctions pouvant faire l’objet de délégation, incluant la gestion collective, la gestion de portefeuille et les services auxiliaires comme le conseil en investissement. Les sociétés de gestion devront désormais fournir des informations plus détaillées lors de leur demande d’agrément, portant notamment sur l’identité du délégataire, les ressources mobilisées et l’étendue de la délégation. Le reporting intègre également de nouveaux champs dédiés aux actifs délégués et aux moyens de contrôle des délégataires.
Outils de gestion de la liquidité est une obligation d’équipement
AIFM 2 harmonise une liste de 9 outils pour les FIA ouverts et les OPCVM (ex. : plafonnement des remboursements, préavis allongés, frais de rachat, swing pricing, double prix, droits d’entrée/sortie ajustables, remboursement en nature, cantonnement d’actifs).
- Chaque OPCVM/FIA devra au minimum en prévoir deux, choisis selon la stratégie et le profil de liquidité.
- Les fonds monétaires (MMFR) peuvent se limiter à un outil.
- La suspension des souscriptions/rachats reste réservée aux cas exceptionnels.
Extension du périmètre d’activités
Les sociétés de gestion pourront exercer certaines activités additionnelles, sous réserve d’une bonne gestion des conflits d’intérêts :
- Administration d’indices de référence ;
- Gestion de crédit (pour les SGP de FIA) ;
- Réception et transmission d’ordres (pour les SGP d’OPCVM) ;
- Activités connexes aux fonds gérés (précisions à venir dans la doctrine AMF).
Exigences concernant les dirigeants
La directive AIFM 2 renforce les règles de gouvernance en exigeant que les deux dirigeants requis soient domiciliés dans l’Union européenne et travaillent à temps plein pour la société de gestion. Cette disposition va au-delà des exigences actuelles de l’AMF qui ne requièrent qu’un dirigeant à temps plein.
Reporting aux autorités : des données enrichies
Les obligations de reporting évoluent significativement avec l’introduction de données plus granulaires sur les marchés de négociation et les instruments utilisés pour les sociétés de gestion de FIA. Pour les sociétés de gestion d’OPCVM, un reporting européen similaire à celui de la directive AIFM est instauré, imposant une transmission régulière d’informations aux autorités compétentes. L’ESMA soumettra des normes techniques de réglementation et d’exécution avant le 16 avril 2027.
Octroi de prêts par les FIA : un cadre européen complet
- Politiques et processus requis : évaluation du risque de crédit, administration des portefeuilles, revue annuelle.
- Diversification : limite de 20 % du capital du FIA pour les prêts à un emprunteur unique lorsqu’il s’agit d’une entreprise financière, d’un FIA ou d’un OPCVM.
- Effet de levier plafonné : 175 % pour les fonds ouverts et 300 % pour les fonds fermés.
- Conflits d’intérêts : interdiction de prêter à la société de gestion, au dépositaire, aux délégataires ou aux entités du même groupe ; le produit des prêts doit revenir intégralement au FIA.
- Rétention : obligation de 5 % de la valeur notionnelle sur les prêts cédés à des tiers.
- Structure : les FIA prêteurs doivent en principe être fermés (ou ouverts si la gestion du risque de liquidité est compatible avec leur stratégie).
Les textes d’application attendus
France : modifications du Code monétaire et financier, du Règlement général de l’AMF et de la doctrine AMF.
UE : actes délégués de la Commission et normes/Orientations ESMA (avec mécanisme « comply or explain »), notamment sur la liquidité, la délégation et le reporting.
Anticiper dès maintenant la mise en conformité
La directive AIFM 2 représente une évolution majeure du cadre réglementaire européen pour la gestion d’actifs. Les sociétés de gestion doivent dès maintenant évaluer leur conformité aux nouvelles exigences, adapter leurs procédures de délégation et de reporting, sélectionner leurs outils de gestion de la liquidité, revoir leur structure de gouvernance et anticiper les investissements nécessaires en ressources humaines et systèmes d’information.
Comment nous pouvons aider
Montaigne Executive Advisory accompagne les acteurs de la gestion d’actifs dans leur mise en conformité AIFM 2 : analyse d’impact, feuille de route, mise en œuvre opérationnelle (processus, contrats, outils, données, gouvernance) et préparation au reporting.