Un nouveau cadre européen pour les cryptos actifs
Le Règlement (UE) 2023/1114 du 31 mai 2023, dit « règlement MiCA », marque une étape clé dans la régulation des marchés porteurs d’actifs numériques. Il instaure un cadre harmonisé au sein de l’UE relatif à l’émission, l’offre au public et la prestation de services sur cryptoactifs, ce qui garantit sécurité juridique, transparence et protection accrue des investisseurs.
En France, cette transition se traduit par la transformation des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) en prestataires de services sur cryptoactifs (PSCA). L’obtention de cet agrément relève de la compétence de l’Autorité des marchés financiers (AMF), sous réserve de l’avis conforme de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de résolution (ACPR).
Ce mécanisme illustre l’articulation entre les deux régulateurs français. D’une part l’AMF, en charge de la supervision des machés financiers, et d’autre part, l’ACPR, autorité de contrôle des secteurs bancaire et assurantiel, chargée de veiller à la solidité financière des établissements, à la protection de la clientèle, ainsi qu’au respect des obligation en matière de LCB-FT.
Deux régimes d’avis : simple et conforme
La législation française distingue deux types d’avis que l’ACPR peut formuler dans le cadre des procédures d’agrément instruite par l’AMF :
- L’avis simple : Il s’agit d’un avis consultatif. L’AMF conserve toute latitude pour délivrer l’agrément, même en cas d’observation défavorable de l’ACPR. Cet avis n’a pas d’effet contraignant
- L’avis conforme : Cet avis est décisionnel et contraignant. L’AMF ne peut accorder l’agrément si l’ACPR émet un avis défavorable. En d’autres termes, le veto de l‘ACPR est juridiquement opposable à l’AMF.
Cette distinction illustre un principe de gouvernance renforcé, souvent qualifié de contrôle à « quatre yeux », qui tend à mutualiser les compétences des autorités ayant des compétences partagées sur des acteurs mixtes présentant un risque systémique ou une forte dimension opérationnelle.
Le choix de l’avis conforme : une volonté de renforcer la confiance
Le recours à un avis conforme pour l’agrément MiCA n’est pas anodin. Il traduit une volonté politique claire, à savoir renforcer la crédibilité et la robustesse du cadre français au sein du marché européen des cryptoactifs.
Les motivations principales sont multiples :
- Protection accrue des investisseurs et de la clientèle : Les pouvoirs publics entendent s’assurer que seuls les acteurs disposant d’un dispositif solide et d’une gouvernance saine puissent accéder au marché.
- Prévention des risques systémiques : les cryptoactifs sont susceptibles d’interagir avec le système financier traditionnel, la vigilance de l’ACPR sur les risques de liquidité, de solvabilité ou de continuité d’activité est jugé indispensable.
- Lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) : l’implication de l’ACPR, experte sur ces sujets, renforce la conformité des acteurs au cadre européen. (Directives AML-FT.)
- Harmonisation avec les standards prudentiels bancaires : l’avis conforme place les PSCA dans une logique de supervision équivalente à celle des établissements financiers traditionnels.
Ce choix s’inscrit ainsi dans une dynamique de crédibilisation du marché français, qui s’efforce à positionner la France comme une juridiction de référence pour le acteurs du Web3.
Limites de l’avis conforme
Si le mécanisme renforce la solidité du contrôle, il comporte néanmoins des zones d’incertitudes, dont la portée réelle reste à évoluer :
- Allongement des délais d’instruction : la coordination AMF-ACPR peut retarder l’octroi des agréements, surtout en l’absence de lignes directrices communes sur le sujet.
- Risque d’interprétation divergente : les critères prudentiels appliqués par l’ACPR peuvent différer de la logique de marché de l’AMF, ce qui peut entrainer des incohérences d’évaluation.
- Impact sur la compétitivité : Une approche trop rigide pourrait freiner l’innovation et dissuader certains acteurs locaux ou même étranger de s’implanter en France.
- Manque de transparence décisionnelle : L’avis de l’ACPR, bien que décisif, n’est pas toujours publié ni motivé de manière exhaustive, ce qui rend le processus moins prévisible pour les candidats à l’agrément.
De facto, le renforcement du contrôle doit s’accompagner d’un effort de lisibilité et de proportionnalité pour éviter une régulation perçue comme dissuasive.
Conclusion et perspective : anticiper pour mieux réussir sa demande d’agrément MiCA
L’introduction de l’avis conforme par l’ACPR dans la procédure d’agrément MiCA traduit une exigence de rigueur et de transparence au bénéficie du secteur, des investisseurs et de la clientèle. Toutefois, cette exigence implique pour les candidats à l’agrément une préparation méthodique et une compréhension fine des attentes des deux autorités.
Accompagnement stratégique recommandé :
Pour réussir leur demande d’agrément PSCA dans le cadre MiCA, les acteurs doivent anticiper les attentes cumulées de l’AMF et de l’ACPR et structurer une démarche de conformité solide dès l’amont. Parmi les étapes clés :
- Cartographier les risques et le dispositif LCB-FT dès la phase préparatoire.
- Adapter la gouvernance, les procédures internes et le contrôle interne aux standards prudentiels exigés par l’ACPR.
- Echanger en amont avec les autorités afin d’identifier les points de vigilance et limiter les délais ou blocages lors de l’instruction.
- S’appuyer sur un accompagnement expert (juridique, conformité, risques, audit) pour sécuriser la constitution du dossier et anticiper les demandes complémentaires du régulateur.
Au-delà d’une simple contrainte réglementaire, l’agrément MiCA constitue désormais un véritable marqueur de crédibilité : les acteurs capables d’intégrer cette exigence en profondeur renforceront non seulement leur position sur le marché français, mais aussi leur légitimité à l’échelle européenne.
Montaigne Executive Advisory accompagne déjà plusieurs acteurs régulés dans leurs démarches auprès de l’AMF et de l’ACPR, y compris dans le cadre de procédures d’agrément, de contrôles sur place et de renforcements de dispositifs LCB-FT.
Grâce à une approche mêlant expertise réglementaire, expérience terrain et connaissance fine des attentes des autorités, nous permettons aux acteurs crypto de transformer la contrainte réglementaire en avantage concurrentiel, et de faire de MiCA un levier de confiance, d’attractivité et de développement sur le marché européen.